« Avec » Antoine Hennion : de la Passion Musicale aux êtres fragiles

A l’initiative de son directeur scientifique Alexandre Monnin, Origens Medialab, dont est membre Antoine Hennion, organise du 24 au 26 septembre 2018 un colloque intitulé « Avec » Antoine Hennion : de la Passion Musicale aux êtres fragiles.

 

Argument du colloque :

Il y a vingt-cinq paraissait La Passion musicale, illustration par le geste de la sociologie de la médiation d’Antoine Hennion, qui, parallèlement aux travaux développés dans le champ des sciences et des techniques par Bruno Latour et Michel Callon, puis Madeleine Akrich, ouvrit l’ANT (théorie de l’acteur-réseau) à de nouveaux terrains, dans les champs jusqu’alors inexplorés par cette dernière de l’art et de la culture. Cet anniversaire m’a donné l’idée d’organiser un événement autour de son auteur. Moins pour célébrer un ouvrage passé, afin d’en souligner les indéniables qualités et contresigner ainsi son appartenance au patrimoine de la discipline, que pour tirer un fil bien vivace qui, à partir de l’analyse d’un objet fragile, impossible à situer de façon définitive, à savoir la musique, met au défi la sociologie et les sciences sociales en général de déployer leurs savoirs non sur les objets mais de façon plus risquée et incertaine depuis les objets. Autrement dit, en tenant compte, à chaque analyse, des spécificités qui les caractérisent ; de leurs réticences, même, et de leur capacité à mettre sans cesse à l’épreuve (voire en échec !) enquêtes et enquêteurs. C’est aussi dénier toute possibilité d’étendre à l’infini une méthode éprouvée, « tout terrain », appelée à conquérir progressivement et sans restes des arpents entiers de la réalité dans une gestuelle qui emprunte à un colonialisme disciplinaire tout à la fois daté et, comble des paradoxes, toujours d’actualité. De la musique aux amateurs, de l’impossibilité à saisir les objets une fois pour toute à la nécessité de renouveler les périlleuse épreuves destinées à les éprouver, c’est un monde « en train de se faire » qui se dessine, pour reprendre une expression choyée par l’auteur, où les choses, les pragmata chères à William James, excitent, conditionnent et dépassent tout à la fois notre capacité à en faire l’expérience – sans jamais s’y réduire. D’où un intérêt certain pour des thèmes prompts à réactiver de vieux dualismes (sujet-objet, nature-société, réel-construit, etc.) tels que le goût ou la valeur, afin de mieux montrer l’inanité de ce type de traitements aux yeux d’une sociologie réellement pragmatiste. Ce monde « en train de se faire » est aussi un monde où la médiation s’est progressivement muée pour A.H. en attachements réciproques (« ce qui nous tient, ce à quoi nous tenons »), signalant moins une rupture théorique que la tentative, sans cesse remise sur le métier, de penser les objets comme la résultante de relations impermanentes, fragiles et précaires. D’où l’intérêt récemment affiché pour les travaux d’un philosophe tel qu’Etienne Souriau, son concept d’instauration en tête (autant que le pluralisme sur lequel il fait fond : pluralisme double, des objets et des modes d’existence qu’ils arpentent). Initialement élaboré dans le champ de l’esthétique qu’il eut tôt fait de déborder, le concept d’instauration permet en effet d’accorder aux objets une réelle capacité d’agir tout en reconnaissant l’insistante fragilité de cette dernière, comme en témoigne la demande d’accroissement dans l’existence dont les objets, assimilés à des œuvres, sont porteurs (demande que donne justement à entendre le concept de « l’œuvre à faire » qui traverse de part en part la philosophie sourialienne). L’image du monde qui se précise emporte avec elle un autre regard sur la place du chercheur, non plus isolé et détaché mais (dans le droit fil des réflexions sur les amateurs) impliqué et intéressé, in media res, à faire exister les objets d’une enquête dont les termes se renouvellent à mesure que l’accent se déplace de la recherche (épistémologique) d’une introuvable méthode à la responsabilité (ontologique) vis-à-vis d’un monde sans dehors, dont pas même la quête du savoir n’autorise à prendre congé (en témoignent, exemplairement, les travaux récents menés par A.H. sur le care ou la « jungle » de Calais).

Ces journées entendent ainsi faire résonner les questions posées depuis vingt-cinq ans par Antoine Hennion avec les travaux de chercheurs de tous horizons, dont certains appartiennent à la jeune génération, afin de les soumettre à de nouvelles épreuves, seules à même, au croisement des enquêtes menées par les uns et les autres, de renouveler « l’échafaudage » (Souriau parle d’un « polygone de sustentation ») qui soutient nos rencontres passagères avec des êtres en constante émergence.

Apporteront leur contribution à ces journées : Antoine Hennion (CSI – Mines ParisTech, Origens Medialab), Thierry Boutonnier, Francis Chateauraynaud (EHESS), Jérémy Damian (Anthropologue), Jérôme Denis (CSI – Mines ParisTech), Ignacio Farias (Humboldt Universität), Alexis Guillet, Anne-Sophie Haeringer (CRESSON, associée au centre Max Weber, Lyon), Émilie Hermant (association DingDingDong), Sophie Houdart (CNRS, Université Nanterre), Yaël Kreplak (CEMS – EHESS, Orange Labs), Alexandre Monnin (ESC Clermont, Origens Medialab), Anthony Pecqueux (CNRS, CRESSON, Grenoble), Katrin Solhdju (FNRS), Gwenola Wagon.

Programme du colloque

 

Date : du 24 au 26 septembre 2018

Lieu : l’ESACM et l’ESC Clermont, Clermont-Ferrand

 

Photo : Origens Medialab

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