Prix Forccast de Cartographie des controverses 2017

La cérémonie de remise des Prix Forccast de cartographie des controverses a eu lieu le 30 juin à Sciences Po. L’occasion était particulière puisque la cérémonie clôturait une journée organisée pour le passage de témoin de Bruno Latour à Dominique Cardon à la tête du Médialab de Sciences Po. Un prix était décerné aux meilleurs travaux réalisés en 2017 dans le cadre de trois différents cours, dont Nicolas Benvegnu, directeur exécutif du programme Forccast, a rappelé qu’ils avaient successivement été créés et enseignés par Bruno Latour. Le plus ancien est le cours “Description de controverses” de Mines ParisTech, lancé dans les années 1990. Aujourd’hui coordonné par Madeleine Akrich, le cours est dispensé aux mines dans le cadre de la formation des ingénieurs civils et du cycle pluridisciplinaire d’études supérieures (CPES) de PSL. Le cours “Cartographie des controverses”, enseigné depuis 2007, est actuellement dispensé par Nicolas Benvegnu et Brice Laurent dans le cadre du Master Communication, médias et industries créatives de Sciences Po. Enfin le cours “Introduction aux Sciences, Technologies et Sociétés”, qui existe depuis 2011, est assuré par Vincent-Antonin Lepinay dans le cadre du double-cursus « Sciences et Sciences Sociales » proposé par Sciences Po en partenariat avec l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI).

L’excellence du travail des étudiants a été récompensée dans chacun des trois enseignements. Les travaux primés sont :

Les fous sans volant”, travail réalisé par Julien Bosdonnat, Estelle Chauvard, Marine Strazielle, Antoine Trouche, Céline Vuillaume et Yingzi Yuan, étudiants en Master Communication à Science Po. “Parler “du” véhicule autonome n’a en réalité pas de sens : il en existe différents types, et derrière chacun de ces types, se cache une certaine idée de la mobilité”, montrent-ils, proposant d’analyser, au fil du jeu des acteurs, très divers, impliqués dans la controverse, les enjeux qui se rattachent aux différentes conceptions de la mobilité urbaine, ainsi qu’aux critiques ou à la promotion de types fort différents de véhicules autonomes promis pour l’avenir.

 

Le burn-out, pour quoi faire ? Ce qu’implique de donner un nom à la souffrance au travail”, travail réalisé par les étudiantes du double cursus Laura Astier, Eléonore Cecillon, Claire Chopin, Eva Gossiaux et Julie Huguet. L’analyse montre que la controverse suscitée par la mobilisation de la notion de burn-out, vocable anglais introduit sans traduction dans le langage français et dont la définition même est loin de faire consensus, se concentre autour de trois principaux enjeux, celui de la reconnaissance d’une souffrance au travail, liée notamment à l’environnement et aux conditions de travail, celui de la réparation et enfin celui de la prévention.

 

“L’Anthropocène est-il une ère géologique ?”, travail réalisé par un groupe d’élèves ingénieurs des mines – qui s’est lui-même nommé “l’Anthropoteam” – Nicolas Alaux, Thomas Andrade, Arthur Fourny, Alexandre Levesque et Gabriel Ozouf. Leur analyse de la controverse apporte un éclairage sur une série d’enjeux ou d’interrogations mettant aux prises une variété d’acteurs, de disciplines scientifiques, de thèses et de causes : l’Anthropocène n’est-il qu’une unité de temps géologique ? Quand et comment dater l’entrée dans l’Anthropocène ? Quel nom donner à ce concept ? Que fait faire ou empêche de faire le débat autour de l’Anthropocène ? Quel futur pour l’Homme à l’heure de l’Anthropocène ? En dehors des préconisations pour l’avenir des climato-sceptiques, peu impliqué dans ces controverses, l’analyse met en lumière différentes manière d’agir défendues par les protagonistes de la controverse : dominer et soigner, préserver et vénérer, considérer et intégrer. L’équipe a eu l’occasion d’échanger avec Bruno Latour, l’un des acteurs de la controverse étudiée.

L’enseignement de la description ou cartographie de controverses a pour objectif d’apprendre à appréhender l’univers incertain de la recherche scientifique et technique en procédant à l’étude d’un cas de controverse sociotechnique. L’enquête, menée en groupe, amène non seulement les étudiants à produire un repérage de l’état de l’art scientifique, mais aussi et surtout à comprendre et décrire la dynamique sociale qui rend problématiques dans l’espace public les questions soulevées par les acteurs impliqués. L’intérêt pour cet enseignement s’est répandu, il est dispensé depuis une quinzaine d’années dans nombre d’universités en Europe et à travers le continent Américain (Copenhague, Oslo, Manchester, Dublin, Amsterdam, Liège, Lausanne, Milan, Padoue, Trente, São Paulo, Rio de Janeiro, Buenos Aires, MIT de Cambridge Mass. …). Il est proposé dans le cadre de cursus de formation variés et s’adresse à des publics diversifiés. Le programme Forccast (formation par la cartographie des controverses à l’analyse des sciences et des techniques) vise, en effet, à développer “des pédagogies actives relatives à l’analyse et l’exploration des controverses contemporaines” dans le cadre de l’enseignement supérieur, mais aussi auprès d’élèves plus jeunes de l’enseignement secondaire, et enfin de professionnels dans la cadre de la formation continue.

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