Les formats de la démocratie technique : expérimentation sociale, débat public et mobilisations

Le thème de la démocratie technique et de l’engagement des groupes concernés dans les activités et les débats scientifiques et techniques est un thème central au CSI depuis un certain nombre d’années. Il s’impose dès lors que l’on met l’accent sur l’intrication entre développement scientifique et technique et formes d’organisations du monde social. Cette thématique est abordée sous deux angles principaux :

– Formes et modes d’engagement de l’« expertise profane » : les travaux actuels s’intéressent aux différents types d’enquêtes (scientifique, juridique, économique, etc.) menées par les profanes pour faire émerger et qualifier des problèmes et des causes d’intérêt collectif. Dans le domaine de la santé qui intéresse particulièrement le CSI, il s’agit de saisir le rôle de divers collectifs de patients dans la structuration et l’articulation de différents espaces d’expression et d’intervention (des sciences à la médecine en passant par la politique ou les médias), et d’étudier l’émergence de nouveaux modes de production de connaissances.

– Outils et procédures d’expression des groupes concernés : les recherches s’intéressent aux dispositifs – institutionnels, « bricolés » par les acteurs, procéduraux, technologiques – visant à représenter les consommateurs, leurs usagers, les citoyens, à susciter l’implication des différents collectifs concernés.

Projets en rapport avec cette thématique

FiTeGe – Fichiers et témoins génétiques. Généalogie, enjeux sociaux, circulation : Le projet FiTeGe s’intéresse à la genèse et aux usages du Ficher National des Empreintes Génétiques (FNAEG), et aux controverses qu’il suscite. Il réunit des chercheurs en sociologie, anthropologie, droit et médecine légale, dont deux membres du CSI, sous la coordination principale de Joëlle Vailly (IRIS, INSERM-EHESS-Paris13). Il bénéficie d’un financement ANR pour la période 2015-2018.
La question centrale du projet est celle du régime de la preuve, à la croisée entre le monde scientifique, policier et juridique : quels sont les savoirs qui ont présidé à l’élaboration du FNAEG et des outils d’analyse des empreintes génétiques ? Quelle est leur nature supposée et quel rôle jouent-ils dans la définition des catégories d’identification (suspect, suspect potentiel, personne de telle « origine », etc.) ? Comment influent-ils sur la manière dont les individus et les populations sont gouvernés ? Comment sont-ils amenés à circuler au sein de l’Union Européenne ? Dans quelles arènes ces questions sont-elles débattues ?
Site du projet : http://fitege.hypotheses.org/1
Contact : vololona.rabeharisoa@mines-paristech.fr

Roqstar – Risk assessment for Oxide nanoparticles: social impact and establishment of Quantitative Structure-Toxicological Activity RelationshipEndFragment : Le projet Roqstarr, en partenariat avec l’Ecole des Mines de Saint-Etienne, vise à développer des modèles « structure-activité » pour évaluer les risques des nanomatériaux. La contribution du CSI consiste à retracer la généalogie de ce type de modèle, à analyser le type de connaissances produites et leurs usages dans la réglementation publique du risque chimique.

Citoyenneté distribuée: usages et productions des applications mobiles citoyennes : La thèse s’intéresse à un dispositif particulier, celui des « applications citoyennes », des applications mobiles et webapplications développées comme « réponses » aux problèmes publics. Ces outils permettent aux utilisateurs de s’investir d’une manière active dans la gestion et le « care » du domaine public, et leur fournissent un moyen collaboratif d’expertise et de contrôle de certaines sphères (élections, éducation, écologie, transport, santé publique, budget national etc). Elles participent ainsi au développement d’un nouveau type de citoyenneté, créent de nouveaux rapports d’intermédiation entre les pouvoirs publics, les experts, les développeurs et les utilisateurs. La thèse se situe au croisement de deux domaines, des STS et de la sociologie politique. Les questions centrales de la thèse sont les suivantes : comment les formes de participation citoyenne se retrouvent-elles transformées par un encadrement technique spécifique, celui des applications citoyennes ? Comment la « traduction » des problèmes publics et sociaux dans un outil technique change la définition de ces problèmes et leur gestion ? Une méthodologie complèxe comprenant les observations, les entretiens avec les acteurs techniques et politiques, la cartographie et l’ethnographie du web, a été choisie. Les observations se déroulent au sein des « hackerspaces », les espaces de production des applications mobiles, et au sein des compétitions des développeurs, les « hackathons », qui sont les lieux de rencontres entre les experts techniques et citoyens et où les défis publics se retrouvent redéfinis et traduits en un langage de code.
Contact : ksenia.ermoshina@mines-paristech.fr

L’exploitation du nickel néo-calédonien, savoirs, gouvernance et citoyenneté : La situation minière néo-calédonienne s’est vue transformée ces 15 dernières années en réponse à la signature des accords de Nouméa et à l’arrivée sur le territoire de deux multinationales ayant entrepris la construction de gigantesques complexes visant à exploiter et traiter les ressources nickélifères néo-calédoniennes.
La réalisation des projets a suscité un ensemble de controverses sociotechniques complexes faisant émerger différents problèmes en apparence éloignés : conservation de la biodiversité, pollution, implication des populations locales dans les projets, intégration des savoirs autochtones dans les processus de décision liés au secteur minier et à la gestion environnementale, rôles des institutions scientifiques et des régulateurs, répartition des richesses et de la rente minière, citoyenneté, indépendance. Chacun des projets s’est progressivement construit en essayant d’intégrer dans son fonctionnement technique, organisationnel, juridique, des réponses aux questions soulevées par les controverses. Les arrangements qui en résultent diffèrent de manière radicale, fournissant ainsi une matière passionnante pour qui veut comprendre la manière dont s’enchevêtrent économie, technologie et politique dessinant deux modèles possibles pour la Nouvelle-Calédonie de demain.
En mobilisant l’anthropologie et la sociologie des sciences et des techniques, la thèse propose d’étudier le nickel comme un matériau politique compris au travers d’un ensemble de problèmes dont l’étude permettra de porter un regard renouvelé sur les formes de citoyenneté, de gouvernance, et de souveraineté en Nouvelle-Calédonie. L’étude s’intéresse à la constitution des collectifs autochtones et son lien avec le secteur minier, aux formes d’implication des populations locales aux projets, à l’émergence d’institutions hybrides visant à améliorer le dialogue entre différentes formes de savoirs, et aux controverses scientifiques concernant la gestion de la mine et de son environnement.
Contact : julien.merlin@mines-paristech.fr